mars 2022 Le Printemps des Poètes est annoncé...
A Eygalières, il se déroulera du 25 mars au 3 avril
Au marché du village, à la médiathèque, à la salle des Fêtes, à la maison de Consuls...
Édition 2022
L'Éphémère
Il en va des mots comme des chansons d’amour qui reviennent par
surprise au détour d’une voix, d’un souvenir, d’une émotion. « J’ai pris
la main d’une éphémère… » Dansait dans ma mémoire. Sans que je sache
qui le premier, de Montand ou Ferré, avait semé ce trouble de
l’étrangère en moi. Adolescents nous ne comprenions pas tout à cette
romance des années folles, ni même à ce poème que l’on disait roman inachevé, mais pressentions ce mystère de « l’éternelle poésie » qu’Aragon dilapidait sans crier gare.
Une seule et unique voyelle, quatre fois invoquée, entre la fièvre, le
murmure, la foudre, l’imaginaire, l’insaisissable, l’à-venir, l’impensé,
le maternel, le fugace, la soif, l’énigme, le précaire,
l’effervescence, le friable, l’envol, l’impermanence…
Plus vaste que l’antique Carpe Diem et plus vital aussi,
L’éphémère n’est pas qu’un adjectif de peu d’espoir. C’est un surcroît
d’urgence, de chance et de vérité. Une prise de conscience toute
personnelle et cependant universelle, comme un quatrain d’Omar Khayyam,
un haïku d’hiver, un coquelicot soudain, une falaise à soi, un solstice
d’été, un arbre déraciné ou la vingtaine de numéros d’une revue de
poètes du siècle dernier.
Il est temps de sonder à nouveau l’éphémère. De ne pas attendre à
demain. De questionner ici et maintenant la part la plus fragile, la
plus secrète, la plus inouïe de nos existences.
Dans les pas de Pina Bausch qui nous a légué cette renversante image :
la danseuse Clémentine Deluy, née un 21 mars, n’en finit pas de
traverser la scène en robe du soir, portant ce stupéfiant sac à dos à
même ses épaules nues. Comme la mousse sur la pierre, tel était
le titre de l’ultime spectacle, puisé en terre chilienne et photographié
par Laurent Philippe, qui a escorté la chorégraphe du Tanztheater de
Wuppertal durant des années. La magie étant que celui qui a choisi
d’immortaliser L’Éphémère n’est autre que le fils de l’un de nos plus
grands poètes français, Ludovic Janvier.